La Forêt qui fait peur ► Rencontre avec Elly Oldman

Publié le 15 décembre 2025 / -

Pendant 9 mois, l’artiste Elly Oldman a conduit la création La Forêt qui fait peur avec 18 artistes d’Asie Centrale et de Russie. L’artiste nous raconte les dessous de cette création collaborative et multi-culturelle.


Comment est né le projet La Forêt qui fait peur ?

Au départ, le projet est né à l’initiative de l’Institut Français de Russie. Il cherchait un·e illustrateur·ice pour créer une œuvre avec des artistes d’Asie Centrale et de Russie. 

Le concept de La Forêt qui fait peur est venu de mon rapport personnel à l’imagination ainsi que des nombreuses discussions que j’ai pu avoir à ce sujet avec des enfants ces dernières années, dans les écoles ou lors de mes expositions. L’imagination est pour moi un refuge où l’on peut se détendre, se protéger de ce qui fait peur dans le monde réel et reprendre des forces. C’est un endroit que l’on fréquente quotidiennement lorsque l’on est enfant mais que l’on oublie petit à petit en vieillissant. Dans toutes mes rencontres artistiques avec des enfants, je leur apprends à considérer l’imagination comme un super-pouvoir de l’enfance et les encourage à ne jamais l’oublier. 

Quelle thématique abordez-vous dans cette œuvre ?

J’ai choisi d’évoquer la thématique de l’imagination à travers le personnage principal de mon univers, Mattie. C’est une petite fille d’environ 8-10 ans, très créative et joyeuse, qui passe une partie de son temps en Imagination, sur une planète farfelue qu’elle s’est créée : La Planète d’Au-Dessus de la Terre. Dans La Forêt qui fait peur, je souhaitais parler du jour où Mattie perd l’accès à l’Imagination après avoir regardé les informations à la télévision et s’être sentie submergée par les mauvaises nouvelles. Effrayée, elle oublie momentanément son super-pouvoir d’imagination et n’arrive plus à se rendre sur sa planète. Elle se retrouve dans une forêt effrayante et va vivre une aventure au cours de laquelle elle rencontre les artistes ayant participé au projet et leurs frayeurs d’enfant ainsi que les petits bonhommes de la forêt qui vont lui réapprendre à imaginer et à ne plus avoir peur. 

Pourquoi avoir choisi un format mêlant fresque et réalité augmentée ? 

Dans ma pratique artistique, j’aime créer des univers fourmillants de détails, très grands, et sans fin, car je ne ressens pas de limite à mon imagination (à part peut-être le temps). Le format fresque est celui que j’affectionne le plus. Il me permet de créer autant que je le souhaite, sans me sentir limitée en détail. Il permet aussi aux spectateur·ices de s’immerger dans l’univers que je leur propose et de “grimper” sur la planète imaginaire de Mattie. Sur ce projet, j’ai invité 18 autres personnes à accompagner Mattie en Imagination et à vivre son aventure. Le format fresque m’a permis de laisser à chacun·e la place d’être pleinement représenté·e. 

Quant à la réalité augmentée, c’est un outil que je trouve très intéressant. Je l’utilise régulièrement dans mes œuvres et ateliers. Elle me permet d’ajouter une dimension ludique et amusante au projet et de renforcer l’immersion du public dans l’histoire. Elle offre également la possibilité d’associer à mes dessins d’autres aspects comme la musique ou le jeu vidéo et donc de faire participer d’autres créateur·ices à mes œuvres. 

Les contributions des participant·es ont-elles modifié le récit ?

Bien sûr ! Au départ du projet, j’avais réalisé une ébauche du parcours de Mattie dans La Forêt qui fait peur. Au fur et à mesure des contributions, j’ai pu l’affiner, créer les monstres et les héros au cœur des jeux vidéos et des musiques en réalité augmentée. Leurs créations ont structuré l’ambiance de la forêt qui elle-même a permis de créer les bandes sonores qui sont diffusées lors des expositions. Ce n’était pas réellement inattendu car je souhaitais vraiment les mettre au centre du projet. 

Comment est-ce créer un univers cohérent avec 18 participant·es à la création ?

J’ai tout d’abord proposé aux illustrateur·ices de compléter un carnet de dessin. Dans celui-ci ils et elles devaient dessiner sur des thématiques propres à leur enfance et à la culture dans laquelle iels ont grandi. Le grand thème était “Les peurs et les réconforts de l’enfance”, vues par le prisme de la culture de votre pays. Les programmeur·euses ainsi que les musicien·nes ont également intégré cette thématique à leurs créations via des jeux vidéos enfantins et des musiques imprégnées de leur culture. 

Une cohérence s’est dégagée de toutes leurs créations, les participant·es venant de pays partageant des codes culturels communs : langues, légendes, esthétiques, motifs… De plus, l’enfance, la peur et le réconfort sont des thématiques que les humains partagent, peu importe leur origine. Assembler toute cette matière pour créer une œuvre cohérente et sans superficialité n’a donc pas été difficile. 

Quel est le lien entre La Forêt qui fait peur et La Planète d’Au-Dessus de le Terre

Depuis le départ, La Forêt qui fait peur est une zone de La Planète d’Au-Dessus de la Terre. Elle n’est pas aussi détaillée et n’en est qu’une petite partie plus décorative que narrative. La proposition d’une nouvelle création avec l’Institut Français de Russie m’a permis de faire un zoom sur ce lieu et de donner un sens à cette forêt. La thématique de l’imagination est également au cœur de La Planète d’Au-Dessus de la Terre, elle est donc en lien direct avec le projet de La Forêt qui fait peur. Mattie affronte Platastique, reflet de la pollution plastique qui l’effraie dans la réalité. Son super-pouvoir d’imagination est cependant en pleine forme dans cet autre projet, où elle évolue dans de nombreuses aventures sans avoir besoin des petits bonhommes de la Forêt pour l’encourager. 

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