Ambivalences ► Rencontre avec Lukas Persyn

Publié le 22 juillet 2025 /

Dans le cadre de l’accompagnement à la professionnalisation d’artistes émergent·es issu·es des écoles d’art du territoire du programme Ambivalences, nous avons rencontré les différent·es lauréat·es du parcours : Jingqi Yuan, Lorène Plé et Lukas Persyn

Les interviews de Lorène Plé et Jingqi Yuan seront à retrouver sur station-mir.com et stereolux.org.


Ton parcours

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Lukas Persyn, artiste visuel basé à Rennes. J’ai étudié à l’École Supérieure d’Arts Appliqués et du Textile de Roubaix, ainsi qu’à l’École Européenne Supérieure d’Arts de Bretagne (EESAB). 

Ma démarche artistique aborde plusieurs thématiques réunies sous un thème plus général : l’invisible. Les sujets qui en découlent sont par exemple les infrastructures par leur caractère discret malgré leur gigantisme. Les ondes électromagnétiques pour leur côté imperceptible et en même temps leur omniprésence. Il y a aussi une part de mystère ou de magie dans notre rapport aux technologies, une sorte de confiance ou de foi dans leur fonctionnement, même quand on ne comprend pas exactement comment elles marchent. Cela peut paraître abstrait ou ésotérique, mais en réalité, c’est quelque chose que l’on vit tous les jours quand on utilise des systèmes techniques.

Quelles sont tes principales sources d’inspirations ?

L’architecture, les infrastructures et les objets techniques sont pour moi une grande source d’inspiration. J’y suis sensible autant pour leur langage formel que pour la tension qu’ils créent entre évidence visuelle et questionnement. Ce qui me fascine, ce sont ces formes ou structures où l’on croit reconnaître quelque chose, mais sans pouvoir en identifier la fonction, cette ambiguïté entre familiarité et mystère. Concernant les artistes qui m’inspirent, je peux citer Juliette Gelli pour son travail de la lumière et de l’espace. J’admire également Claire Williams ou encore Sébastien Robert pour leurs installations et leurs travaux sur les ondes.

Un moment marquant dans ton parcours artistique ?

Le déclic dans mon parcours, c’est sans doute au moment de l’écriture de mon mémoire en DNSEP. C’est là que j’ai vraiment plongé dans l’univers des infrastructures et des ondes électromagnétiques, notamment à travers les tours hertziennes, ces géantes de béton, vestiges d’une époque des télécommunications. Elles me fascinent par leur taille, leur architecture, et par le rapport que les habitant·es entretiennent avec elles.

Des collaborations marquantes ?

Je collabore depuis plusieurs années avec le musicien et artiste Serguei Spoutnik. C’est une collaboration très précieuse pour moi, on a une vision artistique très proche. On se nourrit mutuellement du travail de l’autre. On a travaillé sur différents projets ensemble, un live A/V, des projets graphiques, une création sonore pour une de mes installations. Plus récemment, j’ai eu la chance de participer à la direction artistique de son nouvel album TRANSCEND. Sur ce projet, on a travaillé à trois avec le photographe Victor Pattyn.

Un projet emblématique de ta démarche ?

Le projet emblématique de ma pratique est hertzian spirits et les trois premières installations qui l’accompagnent. C’est un projet, toujours en cours, que j’ai commencé dans le cadre de ma résidence à SUPRA, une résidence de recherche de neuf mois. Ce projet a pour but de révéler des fantômes. Les spectres, dont je parle ici, sont les champs et les ondes électromagnétiques qui nous entourent. Par le biais de différentes installations, je les révèle par le mouvement et la lumière.

Comment la création en environnement numérique nourrit-elle ton propos artistique ? 

La création en environnement numérique est une des bases de ma pratique. C’est un outil incroyable qui me permet de mettre en lumière de manière poétique différents phénomènes invisibles ou imperceptibles. C’est un moyen pour moi d’inviter à une autre forme d’attention au monde.

Que souhaites-tu susciter chez les publics ?

Je cherche à susciter de l’intrigue envers les systèmes et les structures qui composent notre quotidien. Je souhaite qu’on s’interroge sur comment nos interactions sont possibles, qu’est-ce qui les composent, qu’on s’intéresse au non-vivant dans une autre dimension que celle de l’innovation.

Ambivalences

Que t’apporte le programme accompagnement des artistes émergent·es d’Ambivalences ?

Avec Ambivalences, j’ai envie de consolider ma démarche professionnelle : élargir mon réseau, nourrir ma recherche par de nouveaux échanges, et collaborer avec d’autres artistes, chercheur·ses ou structures. Depuis le début du programme, nous avons posé les bases d’un projet plus structuré. L’objectif est maintenant de poursuivre cette dynamique en affinant les axes de travail, en me formant sur des outils ou méthodes spécifiques, d’acquérir des nouvelles compétences. Les échanges interrégionaux permettent aussi de sortir de son écosystème habituel, d’élargir ses connexions au-delà du territoire local. Ils offrent l’opportunité de rencontrer non seulement les autres artistes du programme, mais aussi des structures, des lieux, des contextes de travail différents, autant de perspectives nouvelles qui nourrissent la pratique et ouvrent à de nouvelles collaborations.

Et après ?

Dans les mois à venir, plusieurs projets m’animent. La sortie de TRANSCEND, le nouvel album de Serguei Spoutnik, marque une étape importante dans notre collaboration artistique. De mon côté, je développe un nouveau projet qui interroge le rapport quasi-religieux que nous entretenons avec la technologie et l’innovation, entre foi, fascination et rituels contemporains.

Je poursuis également mes recherches autour du spectre électromagnétique, un champ que je continue d’explorer à travers des dispositifs sensibles, lumineux ou sonores. Pour la suite, j’aimerais continuer à collaborer avec d’autres artistes de différents horizons que ce soit des artistes visuels, des musicien·nes, des danseur·ses. J’aimerais aussi pouvoir collaborer avec des chercheur·ses afin d’approfondir mes projets.

→ lukaspersyn.com