Ambivalences ► Les projets lauréats

Publié le 17 juillet 2025 /

Le mardi 17 juin 2025, le jury* de l’appel à projets Ambivalences 2025 s’est réuni à Rennes dans les locaux de la DRAC Bretagne, afin de nommer les lauréats de ce dernier. Ambivalences est un programme de coopération interrégional (Bretagne, Normandie et Pays de la Loire) pour la création artistique en environnement numérique. Ce programme propose un appel à projets à destination des artistes professionnel·les. Il a pour objectif de soutenir la création artistique et sa diffusion au sein d’un écosystème interrégional d’organisations, mutualisant leurs ressources et expertises.

Sur 102 candidatures reçues pour la première édition de l’appel à projets (clôturée le 13 avril 2025), 19 projets ont été présélectionnés. Ils ont ensuite été évalués puis débattus en vue du vote final qui a cloturé la commission.

L’appel à projets d’Ambivalences s’inscrit dans un programme national de structuration des écosystèmes de la création artistique en environnement numérique portée par le Ministère de la Culture depuis 2024 dans cinq régions pilotes : Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Normandie, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le présent appel à projets Ambivalences, est soutenu et coordonné par les DRAC Bretagne, Normandie et Pays de la Loire.

 

Les projets lauréats

Rewild, Ismaël Joffroy Chandoutis

© Ismaël Joffroy Chandoutis

Rewild est une installation vidéo immersive qui explore le paradoxe entre l’essor des simulations agricoles virtuelles et le déclin du monde agricole réel. Le projet repose sur un film-essai qui détourne Farming Simulator afin d’interroger notre rapport distancié au vivant dans une société de plus en plus numérisée.

On y suit Thomas, un jeune urbain devenu joueur expert, qui décide de confronter ses représentations idéalisées de l’élevage à la réalité d’une ferme laitière en Normandie. Un événement inattendu provoque une faille dans le système du jeu : un «glitch poétique» révélant la complexité et la finitude du vivant.

Rewild propose une déconstruction du jeu vidéo comme médium et reflet d’une époque. Le projet analyse la double nature des intelligences artificielles présentes dans le jeu – ouvriers robotisés, animaux réduits à des comportements programmés – que Thomas confronte à son expérience du réel. Plutôt qu’une critique simpliste, le projet engage une réflexion sur nos liens au vivant à l’ère numérique. Le «glitch» final, généré par une IA détournée de sa fonction première, devient pharmakon : à la fois symptôme et remède, il ouvre un espace où réimaginer l’agriculture virtuelle. En impliquant de vrais étudiants agricoles, Rewild crée un dialogue entre créateurs numériques et futurs agriculteur·es. Comme dans mes œuvres précédentes, la démarche documentaire s’accompagne d’une exploration esthétique des codes pour créer visuellement ce «réensauvagement» numérique.

 

DISNOV_XR_2000 – Je suis si // Silicon Valley (titre provisoire), Adelin Schweitzer

© Adelin Schweitzer

DISNOV_XR_2000 propose une performance critique et poétique sur le mythe de l’innovation technologique, en détournant les codes de la Silicon Valley.

Sur scène, une comédienne équipée d’un casque Apple Vision Pro incarne une conférencière-performeuse, figure ironique de la “startupeuse” épuisée, confrontée à l’échec d’une expérience immersive annoncée. Le spectacle brouille les frontières entre illusion technologique et réalité scénique : la prétendue interactivité du casque XR, majoritairement simulée en régie, révèle la part de simulacre et de contrôle dans nos rapports aux technologies immersives.

À travers une dramaturgie mêlant récit personnel, fragments théoriques et dispositifs visuels, l’œuvre interroge la fascination collective pour l’innovation et met en lumière ses promesses non tenues, ses paradoxes et ses angles morts. DISNOV_XR_2000 se présente ainsi comme une fiction critique, un exorcisme scénique des utopies numériques, où la technologie devient matière à réflexion et à poésie.

 

Moëra, Émilie Brout et Maxime Marion

© Émilie Brout et Maxime Marion

Le projet Moëra s’articule autour d’un corpus de vidéos, installations et pièces de net-art développé à la suite d’une résidence à la Villa Kujoyama. Il donnera lieu en 2026 à une double exposition personnelle à 40mcube (Rennes) et à la Zoo Galerie (Nantes).

À travers des narrations spéculatives s’inscrivant dans la pratique du VTubing, du jeu de rôle et des médias sociaux, Moëra explore les effets des technologies contemporaines sur nos identités et nos affects. L’exposition à Rennes prendra la forme d’un récit fragmenté imbriquant plusieurs niveaux de réalité autour d’un personnage fictif, tandis qu’à Nantes, le projet se déploiera sous la forme d’un sanctuaire numérique collectif, à la frontière du public et de l’intime.

Pensé comme un système de connexions entre formes, œuvres et auteur·ices, Moëra interroge la circulation des images et la manière dont les récits se construisent, se partagent et parfois se fissurent à l’ère de leur démultiplication permanente.

 

Eve, Alchimie Charnelle (titre provisoire), Yosra Mojtahedi

© Yosra Mojtahedi

«Les odeurs, comme les sons musicaux, sont de rares sublimateurs de l’essence de la mémoire.» G.Maurrier

Eve, Alchimies Charnelles est une installation sculpturale et olfactive qui s’inspire d’une cosmogonie pour faire naître un corps-perfumeuse : une sculpture-fontaine androgyne, traversée par la chaleur, l’odeur et la transformation. Cette odeur androgyne est une composition instinctive, presque viscérale, évoquant la peau nue, le lait maternel, le sang enfoui, les sèves et les secrétions. Une odeur de fécondité, de désir et de mémoire archaïque. Le parfum agit ici comme un médium invisible, un souffle qui traverse les corps. La sculpture incarne cette présence double, ni totalement féminine ni totalement masculine, végétale mais aussi minérale. Un être-limite, entre organe sacré et appareil de distillation, entre fontaine votive et machine amoureuse.

Ce projet convoque à la fois le mythe, la science, la magie et le corps. Il est traversé par les principes du chamanisme, où l’odeur est un signal de transformation sacré, et du féminin, dans sa capacité à contenir, nourrir, déborder, défaire les frontières du genre et des formes.

 

Accompagnement des projets retenus 

Les enveloppes de coproduction attribuées aux projets lauréats sont de 15 000€ afin de soutenir les projets lauréats lors de la phase de production. Pour ces projets, les artistes ont la possibilité d’être accompagné·es par une ou plusieurs structures régionales du programme et de nouer des partenariats avec d’autres organisations pour amplifier les dynamiques à l’échelle interrégionale.


Les Pôles de création en environnement numérique sont pilotés par Electroni[k] en Bretagne, par Oblique/s et Station Mir en Normandie et par Stereolux en Pays-de-la-Loire.